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24/11/2025
Redonner une juste place à l'environnement dans la prise de décision économique
Il y a quelques semaines, j’ai écrit un article pour expliquer en quoi la non prise en compte des limites environnementales fausse les fondements de la théorie économique (notamment en microéconomie). Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous suggère d’en prendre connaissance avant de lire celui-ci.
A la toute fin de cet article, j’ai évoqué la possible existence d’un modèle d’optimisation de la consommation et de la production, qui serait capable de réaliser un compromis entre les ressources limitées mises à disposition par notre planète, et nos besoins, a priori illimités, de consommer toujours plus et de produire à un coût toujours plus bas. Je reviendrai là-dessus un peu plus bas, à la fin de ma démonstration.
Je n’ai pas la prétention d’être un chercheur de renommée en économie. Je n’ai pas écrit de thèse de doctorat. Je n’ai peut-être aucune légitimité pour écrire ces quelques lignes, en fin de compte. J’ai néanmoins l’impression que c’est mon rôle de le faire, en tant que citoyenne passionnée d’économie depuis mes 15 ans, sensible aussi bien aux inégalités sociales qu’aux problématiques environnementales, et jeune prof de SES depuis plus de 5 ans qui espère sensibiliser les jeunes générations (et peut-être les autres aussi ?) à l’ensemble de ces sujets.
En outre, l’article 2 de la Charte de l’environnement de 2004, intégrée au bloc de constitutionnalité, est très clair. « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement. » J’estime faire humblement mon devoir, en prenant la parole aujourd’hui, en évoquant cette vérité toute simple, pourtant fondamentale, dont ferait bien de se rappeler toute personne qui cherche à atteindre un niveau de production ou de consommation responsable.
Je vais commencer par évoquer cette vérité par analogie à des situations très simples de la vie courante. En voici une première. Imaginez que vous ayez loué pour le week-end un gîte en pleine montagne. Il est plus de 20h, il neige dehors. Le feu crépite dans la cheminée, tandis que vous vous prélassez dans le canapé avec un bon roman, ou en regardant une série, après une sortie ski éreintante. Vous vous dites qu’il serait temps de préparer le diner.
Vous vous dirigez vers le frigidaire, un plaid sur vos épaules. Vous vous léchez les babines d’avance. Vous l’ouvrez, et là, vous restez figé, la bouche grande ouverte : il n’y a presque plus rien ! 2 œufs, un fond de paquet de gruyère, 3 tomates, une moitié d’oignon, et un pot de crème presque vite. Flûte, vous avez complètement oublié de faire les courses !
Votre compagne va bientôt sortir de la salle de bain, sûrement bien apprêtée pour le dîner aux chandelles que vous lui aviez promis. Vous regardez à nouveau par la fenêtre : pas question de prendre la voiture pour aller au restaurant, et aucun livreur n’acceptera de venir jusqu’ici par ce temps. Il semblerait que le diner aux chandelles se résumera pour aujourd’hui… A une omelette ! Avec un peu de chance, il restera un paquet de pâtes oublié dans un placard…
Voici une deuxième situation très simple de la vie courante pour illustrer mon futur propos. Imaginez cette fois-ci, que vous êtes propriétaire d’une maison. Vous avez travaillé dur pendant plusieurs mois pour vous occuper de votre jardin, dont vous êtes très fier. Vous avez bêché, semé, arrosé, planté, ratissé, … Et maintenant, vous allez récolter !
Mais il semblerait que les résultats ne soient pas aussi bons qu’escomptés… Il est vrai que l’été a été très sec. Pour les pommes de terre, pas de problème. Mais vos pieds de tomates sont tombés malades et n’ont pas rendus aussi bien que l’an passé. Et vos haricots ne sont, pour la plupart, pas montés, car les averses d’orage du début de l’été les ont noyés… Mais qu’à cela ne tienne : la prochaine fois que vous partirez en montagne pour le week-end, vous pourrez au moins mettre des patates dans votre omelette !
Vous voyez où je veux en venir ? Non, toujours pas ? Laissez-moi éclairer votre lanterne.
Toutes les ressources dont nous avons besoin aujourd’hui pour vivre sont disponibles en échange de monnaie. Il n’y a rien dans le frigo ? La récolte du jardin n’a pas été aussi rentable que prévu ? Ce n’est pas grave, car il y a le restaurant, ou le supermarché, ou UberEats… Qui sera bien capable de nous fournir tout ce dont nous avons besoin.
Et ce qui est génial, c’est que cette monnaie, on peut la créer complètement… à partir de rien ! On appelle cela la création de monnaie ex-nihilo. Avant, la monnaie reposait sur une contrepartie réelle, et encore récemment, c’était l’or. Aujourd’hui, de nombreuses personnes pensent que toute la monnaie est encore échangeable en une quantité d’or équivalente… Mais c’est faux ! 90% de la monnaie n’existe qu’à travers des écritures de compte ; seuls 10% de la monnaie existent réellement sous la forme de pièces et de billets, qui ont une valeur intrinsèque bien inférieure à leur valeur faciale. Vous vous doutez bien que le papier sur lequel est écrit « 10€ » ne vaut pas vraiment 10€… Bref, revenons à nos lamas (toi aussi, t’as la ref ?).
L’utilisation de la monnaie repose sur la confiance, et nous avons effectivement une confiance aveugle en elle, puisqu’aujourd’hui, c’est elle qui nous permet d’accéder à tout ce que nous consommons. Nourriture, transport, santé, éducation, loisirs, voyages… Plus on a d’argent, plus on peut consommer. Si vous vous souvenez bien de mon premier article, c’est ce qui sous-tend la théorie communément acceptée en microéconomie. Qui est pourtant erronée car elle ne tient pas compte des limites environnementales. Et finalement, nous avons confiance en quelque chose, qui, à hauteur de 90%, n’existe pas réellement. Cela devrait déjà vous poser question.
En outre, dans notre société actuelle, nous sommes formatés pour vivre à crédit. Si on n’a pas assez d’argent pour s’acheter le téléphone dernier cri, la télévision de nos rêves, ou que sais-je encore… On peut emprunter de l’argent pour l’avoir. Obtenir des objets ou accéder à des expériences avec des ressources que nous ne détenons pas, ou qui n’existent pas réellement, c’est notre quotidien, finalement. Et c’est le cas aussi pour les entreprises, et les Etats !
Tout le monde dépense de l’argent qu’il n’a pas, dont on se demande même s’il existe vraiment… Et c’est tout à fait normal. L’endettement est même vu comme un levier de croissance aujourd’hui, alors… Pourquoi s’en priver ?
Est-ce donc si étonnant de constater que, depuis le début des années 1970, nous vivons aux dépens de la planète ? Chaque année, depuis cette date, nous utilisons toujours plus de ressources que ce que notre bonne vieille Terre est capable de fournir. Quand on y réfléchit, ça semble complètement aberrant. C’est comme si on était capable, comme par magie, de faire apparaitre des aliments dans notre frigo à la montagne, ou de faire renaitre les haricots et les tomates de notre jardin alors que les plantations n'ont rien donné.
La date du dépassement symbolise cette vie à crédit que nous menons auprès de notre planète Terre. En 2025, nous avons atteint le jour du dépassement le 24 juillet. Cela signifie que nous utilisons les ressources de la Terre un peu moins de 2 fois plus vite que ce qu’elle est capable de fournir. Chaque année, nous nous endettons de plus en plus tôt auprès d’elle. Chaque année, nous réalisons ce même constat, mais nous n’en faisons rien.
Pour moi, c’est là que la théorie économique n’est pas à la hauteur. Aujourd’hui, pour prendre une décision, en tant que consommateur, nous tenons compte uniquement de notre pouvoir d’achat. C’est la seule contrainte réelle que nous ayons. Si l’argent que nous utilisons est à 90% immatériel, les ressources que nous obtenons avec, elles, ne le sont pas. La Terre ne pourra pas nous donner éternellement plus que ce qu’elle possède en réalité. On ne peut pas créer nos ressources ex-nihilo, comme la monnaie. A moins que vous ayez envie de manger de l’air.
J’en reviens donc à la possible existence d’un modèle d’optimisation de la consommation et de la production, qui serait capable de réaliser un compromis entre les ressources limitées mises à disposition par notre planète, et nos besoins, a priori illimités, de consommer toujours plus et de produire à un coût toujours plus bas, que j’évoquais plus haut.
Je pense que vous l’aurez dorénavant compris, mais pour prendre une décision de consommation, nous ne pouvons pas tenir compte uniquement de notre pouvoir d’achat individuel. Nous devons également tenir compte de la quantité de ressources que la Terre est capable de fournir par personne en une période de temps donnée. C’est une donnée logique, une réalité implacable ; j’ai presque l’impression d’enfoncer une porte ouverte en disant cela.
La biocapacité de la Terre est estimée à 12 milliards d’hectares globaux (hag). Il s’agit de la surface disponible pour produire ce dont nous avons besoin (en simplifié). Nous sommes aujourd’hui un peu plus de 8 milliards d’êtres humains sur Terre. Ce qui signifie que chaque être humain pourrait disposer en moyenne de ce qui est produit par 1,5 hag. Alors qu’aujourd’hui, en moyenne, chaque habitant utilise ce qui est produit par 2,5 hag. C’est un peu moins du double, mais ça reste tout de même trop. Et ce n’est qu’une moyenne, car c’est bien plus pour certains pays, dont la France (4,6 hag / habitant en moyenne). Aux Etats-Unis, c’est 8, et au Qatar… 14,7 !
Tout comme nous disposons d’un compte en banque qui nous limite dans notre consommation en fonction de la quantité de monnaie dont nous disposons, quid d’un compte qui mesure nos dépenses dans le cadre de nos hag disponibles ? Pour que cela soit possible, nous devons être capable de mesurer l’empreinte écologique de chaque bien ou service que nous consommons. On sait déjà le faire avec l’empreinte carbone. On peut déjà commencer par là.
Et vous, si vous disposiez d’un compte avec 1,5 hag disponible, sachant qu’actuellement, un Français moyen utilise près de 3 fois cette surface, quelles seraient vos priorités, en termes de consommation ? A quoi renonceriez-vous ? Car, oui, au cas où vous ne l’aviez pas encore intégré, une consommation responsable passera nécessairement par une réduction de la consommation. C’est indéniable. Il faudra nécessairement faire des compromis. A moins que l’on trouve une manière de consommer autant, qui utiliserait 3 fois moins d’hag par personne… Mais permettez-moi d’en douter.
Dans de prochains articles, je discuterai de l’effet potentiel de cette nouvelle contrainte environnementale sur la répartition des revenus et l’organisation de la production, à différentes échelles (locale, nationale, mondiale). Je m’aventurerai aussi sur le sujet, aussi vaste que glissant, de la valorisation économique des biens et des services à l’ère de la lutte contre le dérèglement climatique et les inégalités.
Cette contrainte, si elle était réellement appliquée, bouleverserait complètement la société telle que nous la connaissons aujourd’hui. Il est vrai que c’est ambitieux, mais le jeu en vaut la peine. Et je trouve cela véritablement passionnant et challengeant.